àminuitquandtoussesbraceletssonnent

cet endroit sent la poussière et les souvenirs, et moi j'ai l'impression d'avoir cent ans.
on croyait qu'il ne se passerait jamais rien, qu'il n'y avait pas assez de monde sur terre, que tout était vide, on avait tort. il suffisait de se pencher. j'ai fait de mon mieux, j'ai lâché les chiens, j'ai refusé de devenir une jeune femme, de laisser la rage tout engloutir, je me suis laissée apprivoiser, c'était parfois comme se faire exploser le nez par maxime en CE2, parfois comme avoir le plus chouette caillou dans ma poche, c'est vrai margot on passe notre temps à regarder la mer et une fois dedans on la trouille. on a dit qu'on arrêtait la tristesse d'intérieur, qu'on passait au tout terrain, à la mélancolie de guerilla, on a dit qu'on était pas juste une forme dans nos matelas. ça va prendre du temps, ça tombe bien on a aussi dit qu'on allait le prendre.
toujours ce truc de remettre la réalité à sa place. toujours ce truc d'avouer que les choses ont changé, qu'elles ne seront plus jamais les mêmes. toujours ce truc de quand on aime c'est pour la vie. jserais toujours dans ma chambre à boulogne avec les voisins qui gueulent parce qu'on a déclenché l'alarme incendie, avec loubard à jussieu qui me montre comment éteindre des allumettes sur ma langue, on se parlera plus jamais mais je suis un peu née de sa cuisse, jserais toujours avec blandine dans son jardin à filmer le ciel pour le cours d'arts plastiques, avec nina on se tiendra la main dans toutes les villes du monde, avec margot par terre qui m'explique le roller derby, avec yannick dans une voiture ou une forêt mon image mentale de son visage est toujours nocturne et puis je lui ai volé toutes ses blagues, t'as vu comme on guérit de tout, comme on revient de loin ? toujours avec selouane sur le toît. et puis toujours avec toi, même si on est jamais allé nulle part finalement. quand on aime c'est toute la vie.
alors comme il y a six ans exactement, et parce qu'il était temps, je me suis envoyé une lettre, une vraie, de rupture :

je te quitte chloé. je m'en vais, ton corps m'étouffe, j'irais voir ailleurs, dans d'autres peaux, peut-être qu'elle sera plus jolie, peut-être qu'il aimera les hommes, qu'il aura l'odeur des orages.
je me souviens de tout et j'en rêverais encore la nuit.
trois petits pas, 
la révérence.















Phèdre (acte I scène 3), Racine